mardi 27 septembre 2011

C'est flou chez mon psy

Reprenons. Vous disiez qu'il vous arrivait parfois d'éprouver du dégoût par rapport aux personnes de votre entourage. Je n'ai jamais dit ça. Enfin, pas exactement, pas sur un plan large. Je l'ai noté pourtant. Je ne sais pas. Vous ne l'avez pas précisé. En tous cas, pas au moment où nous avons évoqué les circonstances des faits que vous avez relatés. Il faut que je me souvienne. C'est très important, effectivement. Continuez. C'était tard, une heure du matin, peut-être plus. Je cherchais les clés de mon appartement, je ne savais plus où j'avais déposé mon sac.
Il neige...
Oui.
Nous aurons un beau Noël...
Continuez, je vous prie. Dans le sac, dans ce cartable, se trouvait la lettre. C'est ce que vous prétendez. Je ne le prétends pas, elle s'y trouvait ; du moins, quand je suis parti de chez moi, elle y était. Je suis épuisée ce soir. Je vais regarder la télévision. Oui. Bien sûr. Tu me réveilles si je m'endors? Non. Je te mettrai une couverture, si tu veux. Ne vous détournez pas de ce qui revient à votre mémoire. Le cartable...
Toutes ces traces de pas dehors, vous avez remarqué ? Pourtant il n'y a personne...
Il fait nuit, cela me semble tout à fait normal. Pourquoi ? Réveille-moi. Je ne veux pas dormir seule. Pas ce soir, s'il te plaît. Je t'ai cherchée partout, dans toutes les pièces, j'étais vraiment très inquiet. L'avez-vous retrouvé ? Pas moi, je l'ai oublié chez un ami. Je ne sais plus de qui il s'agit. Vous avez bu ? Là, maintenant ? Non. Vous savez que cela reste entre nous. C'était notre condition que vous arrêtiez. Tu ne veux pas dormir avec moi ? J'ai la nausée, tu vois. Je ne sais pas, je préfère attendre que ça passe. Je dois réfléchir à ce que je dois faire. Oui, Paul, c'est ça, il me l'a rendu. Je n'y ai pas prêté attention, quand je suis rentré, l'appartement était vide. Il ne restait plus rien dans les armoires, les vêtements avaient été emportés dans mes sacs de voyage. Il restait une table, et sa lettre. Elle était partie ? Qui ? J'aimerais que tu m'amènes à nouveau dans ce village en Espagne. Tu te souviens, en bas de la montagne, dans cette anse creusée par la mer, les maisons dans le crépuscule, qu'on voyait depuis le balcon de la chambre d'hôtel. Les vêtements, tous les siens. Elle était sortie. Tu étais penchée sur la rampe, et je te regardais. Au fond, la mer comme un arc, et tout autour, les habitations qui s'accrochaient aux rochers. Tu me regardais. Je pensais. Je suis partie. Tu étais déjà partie depuis longtemps. Voyagez-vous seul ? La plupart du temps. Le texte a été écrit de sa main, n'est-ce pas ? Oui. Il ne s'agit pas d'un document informatique. Elle précise que je n'y suis pour rien. Je ne suis pas responsable. J'aimerais que nous y retournions. Ce serait différent maintenant. Pourquoi ? Suite à ses accusations, vous avez été démis de vos fonctions lorsque vos agissements ont été divulgués. Je n'ai jamais failli à mes engagements. Les pratiques étaient tenues secrètes. Cette fois, tu pourras encore m'attacher. Je ne crois pas que nous pourrons recommencer. J'avais les yeux bandés, je t'ai fait confiance. Tu m'as trahie. J'étais seul, tu le sais. Non. Il y avait quelqu'un d'autre que vous payiez ? J'en suis sûre. C'est faux. Tu te trompes. Avez-vous agi seul ? Oui, j'étais seul. Il fallait que cette histoire se termine. C'est dégoûtant. Où est-elle maintenant ? Je ne sais pas. Dans cette lettre, elle vous reprochait votre sadisme, c'est ça ? Oui. Je ne comprends pas comment elle a pu faire. Vous avez récupéré les numéros des comptes bancaires, et noms de vos présumés... complices. Est-ce exact ? J'ai senti d'autres mains sur mon corps. Comment as-tu pu faire ça ? J'avais mis des gants. C'était moi. Ce souffle si différent. Oui.
Allô?
Je t'appelle. Je ne te dérange pas. Non, ça va. Tu veux qu'on parle? Pas ce soir, j'ai prévu de sortir. Vous avez bu, c'est ça ? Quand ? Ce soir-là. Je ne sais plus. Non... Je... Habituellement, non. Vous comprenez, je ne pourrai pas vous aider. Avez-vous mémoire de son numéro. Non, impossible. Elle a la liste. Elle a pris tout l'argent aussi. Je suis perdu. C'est argent, c'est... Et puis tu as été plus brute que d'habitude. Tu m'as fait mal. Je ne voulais pas. Ça n'était pas toi. C'était toi qui voulais, et tu me le demandes toujours. Je t'ai dit que c'était terminé. Tu as cinq minutes, juste cinq. Tu ne dois pas me négliger. Votre téléphone sonne, je crois. Il ne faut pas répondre. Il faut qu'on se voit ce soir. C'est impossible. Tu as gardé ma lettre ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Ils l'ont lue. Pour la dernière fois, emmène-moi. C'est terminé. Je veux te voir ce soir. Elle est encore là ? Oui. Elle va se coucher. Viens. Retrouvez-la, c'est votre seule chance. Je vais sortir maintenant, je dois vous laisser. Très bien. Non. Je crois qu'on m'observe. Viens me voir, à l'endroit habituel. Non plus jamais. Viens. Et après ? Après on verra. Tu traverses la rue, le square, tu me rejoins, et nous partons. Je vous laisse. Ne sortez pas ce soir. Vous reviendrez ? 
Allô?
Elle a raccroché.
Il faut que j'y aille. Où vas-tu ? Tu prends ton manteau ? Je meurs ici.
Il neige...
Je le vois de la fenêtre. Pourquoi les traces de pas ne sont pas recouvertes ?

10 commentaires:

  1. bon j'ai pas encore lu...je reviendrai lire, mais c'était tout propre...alors je me suis laissée tenter ;))

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  2. @ LH : D'accord, plus de blanc maintenant. @+

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  3. J'aime l'hiver.
    Mais ce qu'il y a de plus beau dans l'hiver, c'est le printemps.

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  4. @ Adeline Lamarre : comme un flou de saisons
    A+ ;-)

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  5. Très bien écrit, encore une fois. Et je me trompe ou c'est un extrait de ton livre? Un mystère qui rôde...fondera-t-il avec la neige de l'hiver!?! Et merci de ta visite et ton com sur L'être complet: volet sexualité...hey oui, des idéaux et des belles théories comme celle-là, ça aide à bien vivre!!!

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  6. @ Delvina Lavoie : Merci de ta lecture.
    Ce texte est un gros mélange de quelques scènes flashs du passé, phantasmes extravagants, autres bribes de situations réelles très très déformées. Surtout beaucoup de confusion, et une volonté réelle de ternir, salir, le personnage. Il traduit une certaine détresse, le sentiment de ne pas trouver d'issue, d'être empêtré dans une situation inextricable et redoutable. Une grosse déformation de la réalité.
    Le sujet que tu développes m'intéresse beaucoup, j'espère un jour au moins pouvoir m'approcher de cet idéal que tu décris (assez inaccessible pou moi en ce moment).
    A bientôt

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  7. C´est très bien écrit, Anonyme. Tu es en train d´écrire un roman?
    À bientôt.

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  8. @ Blanca Langa : Merci beaucoup de ton passage.
    Non, je n'écris pas de roman. Le seul roman que j'écrive c'est celui de ma vie, et dans ce cas, la plume est parfois incontrôlable ;-)
    J'écris seulement des nouvelles. J'y travaille en tous cas...

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  9. j'aime beaucoup ce texte, les differents niveaux de conscience/narration

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  10. @ muriele : merci un texte prémonitoire qui peut refléter les brouillages de conscience par niveaux superposés et juxtaposés. des dits, des non-dits, des flashs de scènes qui se déroulent presque réellement pendant le dialogue qui se prolonge ....J'ai vécu ça un temps, un peu...

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