lundi 19 septembre 2011

Un autre trait

    Comme tu m'avais laissé les clés, je suis entré dans ta maison, tu n'étais pas là. Il y avait sur la table de ta chambre ce que tu venais d'écrire. Je l'ai lu. C'est une lecture un peu volée.
   En te lisant, je voyais ces journées passées dans cette fumée que tu décrivais, elle te filait entre les doigts. J'ai fermé les yeux. J'ai essayé d'inspirer. Restait-il une odeur, un parfum de ce que tu avais ressenti ? Je n'ai rien remarqué, seulement un silence dans l'obscurité.
   Je me suis assis. Comme toi, j'ai regardé mes mains. Ma main, celle qui n'a pas tenu la tienne. Il m'a semblé qu'elle n'était plus la même. J'avais du mal à l'ouvrir en entier. Je les ai pourtant jointes, les deux, comme dans une prière, et posées sur mes yeux.
   Dans le noir, je respirais à travers la peau des mains collées sur mon visage. Il n'y avait plus de traces de celles que j'avais prises, toutes ces mains qui ont touché ma bouche. Il n'y avait plus leur odeur, plus de leur saveur, juste un goût de cigarette, peut-être.
   Rien qu'à les regarder, je savais ce qui s'était passé. Sur le "M" marqué par ces lignes de vie et de chance, d'autres traits s'étaient inscrits, des nouveaux, d'autres pliures encore. On aurait dit que cette lettre était rayée. A côté, une veine bleue palpitait.

10 commentaires:

  1. @ co errante : remarque très attirante...

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  2. Une feuille de papier laissée là, sur la table. Et lui qui lit...je l'imagine la main tremblante, les yeux soudainement voilés par une buée qui lui brouille la vue. Et le reste demeure la vision d'un passage déjà...passé? Très beau, Anonyme. J'aime beaucoup lire ces bouts de vie...imaginaire? Bonne semaine.

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  3. @ Delvina Lavoie : Merci Delvina. Oui, ce texte est purement imaginaire. Seulement quelques attitudes, quelques sensations qui peuvent être extraits du "réel" (une mise en scène).
    Une sensation que ce qui est écrit sur la page fait partie du non-dit, ou qui n'a pas pu être dit, et qui est volé, comme si le personnage avait pénétré l'intimité de l'autre.
    Des regrets sûrement, que le temps soit passés, que les traces de moments de bonheur s'effacent, que des occasions soient manquées. Il y a de cette idée. Toutefois, il reste cette ligne de vie, et de chance, et ce sang qui circule (rappelant un cœur plus éloigné à rapprocher).
    Tout n'est pas terminé...

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  4. en passant intéressant comme texte,ça me semble un peu trop bruyant,et hop
    http://www.youtube.com/watch?v=4ilYqe5VNKY
    bonne journée
    cres

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  5. @ cres : chut tu fais du bruit ! ;-)
    hep... un peu tordue ta chanson, non ? (c'est trop facile, je sais)

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  6. Mes mains sont vides, libres de s’écrire. Elles se referment sur la trace de ce qui les raconte pour saisir le vent et y souffler leurs paroles.

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  7. @ Adeline Lamarre : j'ai l'impression que tu dis qu'on lit dans les lignes davantage le passé que l'avenir, tout en les regardant dans un présent libre de mouvement. C'est ce que je ressens avec ta phrase...

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  8. Oui, peut-être...
    Je ne sais pas si un enfant aura les mêmes lignes dans ses mains 40 ans plus tard (j’y connais pas grand-chose en fait).
    C’est avec le passé qu’on fabrique le futur, non?

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  9. @ Adeline Lamarre : Les lignes se font, et se défont... Je crois qu'on fabrique le futur avec le présent. Un vieux sage chinois a dit que l'expérience est une lampe allumée dans son dos qui n'éclaire que les traces de ses pas... Quand même, je crois qu'on essaie de pas refaire deux fois les mêmes bêtises. Quoi que...

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